Mélanie Perroux est une auteure française immigrée au Québec. Elle nous présente Correspondances de moi à vous publié aux éditions Persée. Elle donne une séance de dédicace à la librairie Le Port de Tête à Montréal le dimanche 26 mars de 16h à 18h.
QPouvez-vous nous parler de votre livre?
RCorrespondances de moi à Vous aux éditions Persée (http://perrouxmelanie.wixsite.com/correspondances ). C'est un roman épistolaire où j'écris à un ou une parfait-e inconnu-e et je me questionne sur la pertinence de lui donner le droit de répondre, un peu comme si dans un blogue vintage on hésitait à activer la fonction commentaire. Réceptacle de mes lettres, me risquerais-je à connaitre sa personnalité et ses pensées, au risque d'être déçue ou de commencer à me censurer pour lui faire plaisir? Est-ce que je lis cet inconnu à ma plume pour avoir des réponses à mes questions ou pour avoir conscience que quelqu'un me lit, me déliant alors de mes réflexions philosophiques? Mais ce n'est pas un essai de philosophie, c'est un roman de gare puisqu'il est écrit dans des trains, parfois même sur les billets. Cette autobiographie impersonnelle crée une ambiance qui appelle au voyage, à la contemplation de l'hiver, à la recherche absolue de la beauté.
QVers quel âge avez-vous commencé à écrire ? Quel a été l'élément déclencheur ?
RMes parents aiment rappeler que j'ai gagné le concours de poésie de mon école primaire et une de mes plus vieilles amies se souvient bien avoir été convoquée par notre professeur de français du lycée (équivalent du CEGEP) à cause de mes poèmes mélancoliques - si ce n'est désespérés - tartinés au crayon de papier sur notre bureau. Heureusement que les dessins d'hommes nus je les gribouillais toujours dans mon cartable! Mais plus réellement, j'ai commencé à écrire régulièrement en 2009, à mon retour d'une difficile mission humanitaire dans un bidonville du Bangladesh. Comme je n'aime pas faire les choses à moitié, j'ai aussi compilé dans le même temps un harcèlement au travail et une rupture d'une histoire d'amour majeure. Bref, il y avait matière à une écriture cathartique. Cependant, j'ai jamais trouvé facile d'écrire sur ma vie , j'avais plutôt soif de beauté, de sortir de cette déprime ambiante, de jouer sur les mots pour leur donner vie. Alors j'ai commencé à écrire des textes courts, sur l'hiver, sur la beauté des paysages, sur la beauté des gens. Et au fur et à mesure, je les ai transformés en lettre et j'ai arrêté de m'écrire à moi-même pour m'imaginer un interlocuteur, avec qui j'ai commencé à jouer.
QAvez-vous un livre dont vous êtes particulièrement fière et pourquoi ?
RCelui à venir. Déjà puisque le sujet me touche et est un sujet sensible à aborder. Mais je ne vous en dirais pas plus, il faut garder le suspense. Ensuite, grâce à la publication de mon premier livre, j'ai eu beaucoup de retours soit de futurs lecteurs lors de dédicaces, soit de lecteurs (bon, il faut avouer, principalement des personnes qui me connaissaient un peu avant, mais souvent, leur regard peut être encore pire que celui d'un inconnu). Bref, ces discussions et rencontres m'ont permis de mieux cerner mon style d'écriture, mes forces, mais aussi de mieux comprendre certaines attentes d'authenticité des sentiments, même lors d'un récit non autobiographique. Je plonge donc dans mes propres sentiments pour mieux en donner à mes personnages, c'est à la fois angoissant mais surtout fascinant: c'est de la nage en eaux troubles.
QAvez-vous un rêve d'écrivain ?
RQue quelqu'un vienne me dire un jour: "Ce jour là, j'avais l'âme triste, la vie était un brouillard gris et lourd. Mais j'ai lu un chapitre, une page ou même une phrase de ton livre, et j'ai souri, le coeur apaisé et avec l'envie de contempler du beau."
QQuelle est votre routine d'écriture ?
RTravaillant en recherche, j'ai l'habitude d'aller chercher beaucoup voire trop d'informations, de données sur les sujets sinon, je me sens comme une imposteur. C'est ma première étape, lire. Ma seconde étape c'est laisser vivre : pousser mes multiples activités et engagements pour avoir des moments de silence et de vide. Bien sûr, l'angoisse de la page blanche et l'envie de remplir par du "faire" surgissent et parfois j'y succombe. Mais quand je parviens à rester calme et à écouter ce qui était caché au fond de moi, à sentir les idées ou les mots émergés et se mettre à s'arrimer dans un tango d'abord désarticulé puis cohérent, c'est une profonde joie. Là, il devient indispensable que je les sorte. J'ai alors deux solutions: les écrire soit avec un bon vieux stylo soit avec mon bon vieil ordinateur, soit les dicter. Comme j'ai des douleurs chroniques sur tout le côté droit du corps depuis 11 ans, j'ai pris l'habitude d'utiliser un logiciel de reconnaissance vocale. Donc je dicte mon texte avec mon smartphone, parfois en marchant au milieu du parc avoisinant, et ensuite le logiciel le retranscrit, pour le meilleur et pour le pire. C'est parfois cocasse la mésentente entre lui et moi. Mais nous sommes des bons amis, et je trouve cette écriture orale très intéressante, car de plus en plus, je commence à "jouer" cette première version de mon texte. J'en ressens encore plus la présence ou l'absence des sentiments, le rythme… En résumé, je bouleverse le cours du temps: je fais une lecture de mon manuscrit avant d'en avoir fait une écriture.
QQu'aimez-vous le plus dans le métier d'écrivain ?
RLa matière, c'est-à-dire le sujet et les mots. J'aime jouer avec les mots, les tourner dans tous les sens, les relier, les délier pour le plaisir de celui qui les lit. J'aime les sujets que j'aborde, leur profondeur souple, leur légèreté tranchante et ce qu'ils disent du monde qui m'entoure. J'essaye d'apprivoiser une langue dont je ne suis pas sûre de toujours comprendre un traitre mot, me sentant souvent frustrée de constater qu'il n'existe pas de mots reflétant exactement et sans aucune nuance de doutes la réalité que j'ai perçue. Quelle tristesse, quel sentiment d'analphabétisme pour moi! J'aime quand une phrase, qui me tourne dans la tête depuis un moment, s'arrime enfin à son support grammatical pour sonner fluidement le double sens que je voulais lui donner. Je fais de la poterie verbale, je pétrit et malaxe, dans toutes les dimensions.
QParlez-nous d'un livre marquant lu pendant votre jeunesse ?
RJe pourrais en citer tout plein, mais Black Boy de Richard Wright m'a absolument subjuguée. Enfant, je ne fréquentais pas les bibliothèques malgré que je lisais tout ce qui me passait sous la main, même la bouteille de lessive. J'ai d'ailleurs écrit un texte pour la revue des bibliothécaires du Québec sur ma bibliophobie de l'époque. Pourtant, pour la première fois, je suis allée et surtout j'ai aimé un livre de la bibliothèque de mon collège (équivalent du secondaire), le récit autobiographique de cet enfant noir dans l'Amérique ségrégationniste. Ce livre m'a fait découvrir le sentiment de rejet, et l'injustice de l'oppression dans un moment où je vivais une intimidation scolaire du fait de mon année d'avance et de mes bons résultats. Mais le plus intéressant, c'est que d'avoir vécu par empathie la vie de ce garçon, d'avoir mis des mots sur ces situations et sur ces sentiments ont marqué un tournant dans ma vie: j'ai décidé de m'engager pour aider les autres et rendre le monde plus juste et beau à ce moment-là, ce que je continue encore, dans mon travail, dans mes engagements et je l'espère, dans mes écrits.
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